Belgique - Galerie Templon
Benoît Blanchard | Oeuvres Revue, 15 November 2015
Un mur sombre surmonté d'une bande grisâtre, mal assise et presque désarçonnée, fait vaciller l'obscurité des embruns. Dans ce tremblement sourd et presque aphone c'est tout le bruit de la mer qui est contenu et qui s'élève face à l'observateur. De partout bruissent les écumes et se déversent les relents d'iode et de bouillon océanique. Le froid qui s'en dégage irradie mais ne s'infiltre pas. Il bourdonne à proximité de la toile sans s'en éloigner au-delà d'une vingtaine de centimètres.
La peinture de Thierry de Cordier n'en finit pas de se contenir. Elle rentre le ventre et, telle une immense inspiration, se grandit pour surmonter d'une tête tous les regards qui osent s'y aventurer. Ce qu'elle retient n'apparaît qu'en transparence. Ce sont des flux et d'innombrables hectolitres de flotte salée charriant entre leurs eaux mille pluies diluviennes et mille autres ondées venues de toutes les côtes longeant la mer du Nord et de celles qu'enfonce à l'Est la Baltique et que creuse à l'Ouest la Manche. Avec elles viennent dilués les vinaigres de transpiration des agriculteurs passés par le tamis des rus et des fossés avant d'être déversés dans les rigoles et les caniveaux qui courent dans les rues pavées des bourgs de bord de mers. Grossie dans la gorge du tout à l'égout maritime, la dilution de ce vinaigre de pomme, de pissenlit et de chicoré passée des pores de la peau des hommes à ceux de la terre, se déverse sous la grève dans le sable et enfin dans l'océan. Une fois à l'eau il regagne les multitudes de choses qui, par d'autres chemins, ont fini dans le même bain.
Des photos presque carrées sont avec elles. Sur la première brille le détail d'une céramique colorée. Sur la seconde, un cou haut et blanc découpé au niveau du menton par le cadrage du cliché est habillé d'un col vert, épinglé bien droit sur le tricot écru porté par dessus. Ces deux images perdues par Michael Borremans sont ballotées par la houle. Avec le temps elles perdront leurs couleurs et ne restera plus alors que la peinture qui en a emprunté les traits et les humeurs.
Exposition collective à la Galerie Daniel Templon à Paris, du 5 novembre au 23 décembre 2015