Belgique - Time Out
Claire Fallou | Time-Out, 19 November 2015
Galérie Daniel Templon, Paris
Agréable expérience : le temps d'un parcours à travers quelques pièces aux lumières douces, admirer ce qu'une région peut donner de mieux en matière d'art. Ici, une cathédrale ciselée au laser dans de fines plaques d'acier, montée sur roues et lancée à l'assaut d'invisibles montagnes russes (Wim Delvoye, Twisted Dump Truck (Clockwise)', 2013). Là, la silhouette rayonnante d'une grande roue dominant la mer, peinte à l'aquarelle en fines nuances de gris (Hans Op De Beeck, 'Amusement Park (3)', 2015). Plus loin, la maigreur christique d'un corps de cire suspendu à son crucifix, au torse difforme, aux jambes veinées de rouge et de bleu (Berlinde de Bruyckere, 'L'Amour invisible', 2011).
L'exposition 'Belgique' se veut cependant plus introductive qu'exhaustive ; il ne s'agit pas de résumer l'art contemporain belge, mais de donner un aperçu de l'héritage de Magritte et Broodthaers, à travers plusieurs oeuvres à la croisée des genres, des messages et des matières. Si la plupart des artistes présentés partagent une origine et sont parfois issus du même sérail (le musée S.M.A.K de Jan Hoet, à Gent), les oeuvres se complètent et se répondent sans faire école. On navigue d'une texture à l'autre, du lisse de l'acier au rugueux de l'estomac de vache. « C'est une sélection aléatoire, sans critère de style ni de génération, explique Daniel Templon. A l'occasion de l'ouverture de ma galerie à Bruxelles, j'ai simplement voulu rassembler à Paris les artistes belges que j'aime le mieux, en guise de clin d'oeil. »
Une qualité commune semble parfois se dessiner, celle de l'humour. Parler de Belgique aux Français, c'est évoquer les pipes trompeuses de Magritte et les grimaces de Poelvoorde. L'exposition confirme souvent cette règle : on est accueilli par un buste d'or aux oreilles d'âne (Jan Fabre, 'Chapitre XVIII', 2010), on observe sans gêne l'accouplement très humain d'un couple de rennes en bronze (Wim Delvoye, Trophy (scale model)', 2010), on s'interroge sur le titre étrange d'une peinture montrant un col kaki tout militaire (Michael Borremans, 'Le Cygne', 2013). Mais la blague s'arrête là ; difficile de rigoler devant la blancheur fantomatique du 'Crucifix' de Luc Tuymans et la mer déchaînée de Thierry de Cordier ('Mer Grosse', 2011).
Alors d'où vient la sensation d'unité que laisse cette brève exposition ? Peut-être de l'harmonie qui se crée lorsque « les parfums, les couleurs et les sons se répondent » (comme l'écrivait Baudelaire), tout du moins les formes et les matériaux, d'un mur à l'autre de la galerie. Sans doute aussi de la simplicité : sont rassemblées ici des créations de formes, souvent figuratives, rarement conceptuelles, dont la lisibilité invite à la rêverie.