Dialogue en noir et blanc entre Steichen, Olaf et Op de Beeck
Céline Coubray | Paper Jam, 23 December 2022
Pour rendre hommage à l’œuvre d’Edward Steichen, le Musée national d’histoire et d’art a initié un dialogue entre les photos du photographe d’origine luxembourgeoise et des œuvres d’Erwin Olaf et Hans Op de Beeck.
«C’est une vraie exposition du Benelux», s’amuse à introduire Ruud Priem, commissaire de l’exposition «Erwin Olaf & Hans Op de Beeck. Inspired by Steichen» présentée actuellement au Musée national d’histoire et d’art (MNHA). Effectivement, Edward Steichen, bien qu’ayant fait sa carrière aux États-Unis, est d’origine luxembourgeoise, Erwin Olaf vit aux Pays-Bas et Hans Op de Beeck est Belge. Mais au-delà de cette anecdote géographique, c’est un puissant dialogue esthétique et thématique qui est mis en œuvre entre ces trois artistes.
«Pour célébrer le cinquantième anniversaire de la mort d’Edward Steichen, nous avons pensé qu’un hommage avec des artistes contemporains de premier ordre serait intéressant», éclaire Ruud Priem. Il a ainsi sélectionné des œuvres d’Erwin Olaf et Hans Op de Beeck pour entrer en dialogue avec des photos de Steichen, issues la collection du MNHA.
L’Homme et la Nature
Ces trois artistes ont le point commun de s’interroger sur la présence l’homme dans la nature et sur son interaction avec elle. Chacun a une esthétique et des moyens d’expression très différents, mais ils ont en commun une sensibilité humaniste ainsi qu’un goût pour le noir et blanc.
Olaf, tout comme Steichen, est photographe. Ses tirages très grands formats sont d’une puissance plastique phénoménale. Excellemment réalisées, ses photos sont une source infinie de détails. Face à ces très grands formats, le visiteur ne peut que s’immerger dans ces images où la nature domine et surpasse les protagonistes: deux femmes se prennent en selfie dans une forêt qui les engloutit, un groupe de baigneur admire une cascade dont la majesté rend dérisoire leur présence. Mais à chaque fois, un élément incongru fait basculer la narration, intrigue le regard, invite à repenser ce qui semble réel.
L’œuvre d’Hans Op de Beeck est plus en retrait, mais non moins saisissante. Il réalise de très grands formats à l’aquarelle qui forcent l’admiration. Paysages de lacs, de montagne ou de ciels étoilés sont le fruit d’un travail solitaire et qu’on imagine bien volontiers nocturne. Ces dessins XXL abordent également la question de la contemplation, d’une relation au monde naturel, quoique plus taiseuse et plus introspective que chez Olaf.
Impossible, face à ces œuvres, de ne pas penser aux peintres du romantisme allemand, aux toiles de Gaspard D. Friederich. Tout en ayant également comme grille de lecture cette nouvelle relation que nous avons renouée avec la nature depuis la pandémie de Covid et cette constatation impuissante face à la dégradation de notre planète et de nos écosystèmes.
Questionnements introspectifs, écologie, relations interpersonnelles… autant de sujets contemporains qui apportent un regard frais sur l’œuvre d’Edward Steichen. À chaque entrée de section de l’exposition, une œuvre de Steichen est présentée. De plus petits formats, elles sont comme le premier mot d’une conversation qui se développe et qui est argumentée au fil des cimaises. Une discussion nourrie, avec aussi des moments de pause, d’écoute, voire de remise en question. La dernière partie de l’exposition laisse la place au rêve, à l’imaginaire, avec l’impressionnante sculpture d’Hans Op de Beeck, My bed a raft, the room the sea, and then I laughed some gloom in me.
En plus de cette proposition en trio, Erwin Olaf et Hans Op de Breek ont accepté le commissariat d’exposition pour une sélection d’images issues de la collection du MNHA qui sera présentée à partir du 7 mars dans la salle Steichen du musée.
Et pour les amateurs de photographie, un très impressionnant catalogue raisonné des collections Steichen du MNHA vient de paraitre. «Edward Steichen. The Luxembourg bequest» est le fruit de 10 ans de recherches et permet une plongée scientifique dans le legs de 178 photographies du photographe.
English:
Black and white dialogue between Steichen, Olaf and Op de Beeck
To pay tribute to Edward Steichen's work, the National Museum of History and Art initiated a dialogue between the photos of the photographer of Luxembourg origin and the works of Erwin Olaf and Hans Op de Beeck.
"It's a real Benelux exhibition," says Ruud Priem, curator of the exhibition "Erwin Olaf & Hans Op de Beeck. Inspired by Steichen" currently presented at the National Museum of History and Art (MNHA). Indeed, Edward Steichen, although he made his career in the United States, is of Luxembourg origin, Erwin Olaf lives in the Netherlands and Hans Op de Beeck is Belgian. But beyond this geographical anecdote, it is a powerful aesthetic and thematic dialogue that is implemented between these three artists.
"To celebrate the fiftieth anniversary of Edward Steichen's death, we thought that a tribute with first-rate contemporary artists would be interesting," explains Ruud Priem. He selected works by Erwin Olaf and Hans Op de Beeck to enter into dialogue with photos of Steichen, from the MNHA collection.
Man and Nature
These three artists have in common to question the presence of man in nature and his interaction with it. Everyone has a very different aesthetics and means of expression, but they have in common a humanistic sensitivity as well as a taste for black and white.
Olaf, like Steichen, is a photographer. His very large prints are of phenomenal plastic power. Excellently made, his photos are an infinite source of detail. Faced with these very large formats, the visitor can only immerse himself in these images where nature dominates and surpasses the protagonists: two women take selfies in a forest that swallows them, a group of bathers admires a waterfall whose majesty makes their presence derisory. But each time, an incongruous element changes the narration, intrigues the look, invites us to rethink what seems real.
The work of Hans Op de Beeck is more withdrawn, but no less striking. He makes very large watercolor formats that force admiration. Landscapes of lakes, mountains or starry skies are the result of solitary work that we gladly imagine at night. These XXL drawings also address the question of contemplation, a relationship to the natural world, although quieter and more introspective than Olaf.
It is impossible, in the face of these works, not to think of the painters of German romanticism, the paintings of Gaspard D. Friederich. While also having as a reading grid this new relationship that we have reconnected with nature since the Covid pandemic and this powerless observation in the face of the degradation of our planet and our ecosystems.
Introspective questions, ecology, interpersonal relationships... so many contemporary subjects that bring a fresh look at Edward Steichen's work. At each section entrance of the exhibition, a work by Steichen is presented. Smaller formats, they are like the first word of a conversation that develops and is argued throughout the top. A nourished discussion, also with moments of pause, listening, or even questioning. The last part of the exhibition gives way to the dream, the imagination, with the impressive sculpture of Hans Op de Beeck, My bed a raft, the room the sea, and then I laughed some gloom in me.
In addition to this proposal in a trio, Erwin Olaf and Hans Op de Breek have accepted the exhibition curator for a selection of images from the MNHA collection that will be presented from March 7 in the Steichen room of the museum.
And for photography lovers, a very impressive reasoned catalog of the MNHA's Steichen collections has just been published. "Edward Steichen. The Luxembourg bequest" is the result of 10 years of research and allows a scientific dive into the legacy of 178 photographs by the photographer.